Hong Kong

C’est franchement pas facile cet exercice ! Ecrire le dernier mail, celui de Hong Kong et Macao… depuis Paris !
C’est mon petit carnet beige qui va me sauver, celui dans lequel j’ai annoté mes impressions de voyage.
Et puis il y a aussi ce que j’avais commencé à écrire durant l’escale à Dubaï : « après avoir arpenté tout l'aéroport, avoir rapidement checker mes mails sur un ordi paresseux et tester tous les parfums du duty free, je commence à m'ennuyer ferme dans la zone de transit : j'écoute en boucle le seul enregistrement sonore que j'ai fait sur mon mp3, une bribe de morceau électro entendu à Hong Kong. Alors je commence sur mon palm ce dernier mail que je n'ai pas eu le temps d'écrire avant de partir... la ville m'a fascinée... une envie d'exploration folle... une boulimie d'archi, de ferries, d'îles, de plages. J'en ai tellement profité que je n'ai pas entamé de compte à rebours mélancolique, je ne me suis pas préparée au retour, je n'ai réalisé que le jour même, c'est assez inhabituel chez moi. Jusqu’au dernier moment, j’ai eu l’impression que le voyage continuait… peut-être était-ce l’effet transit à Dubaï… »
En résumé, c’est ça !
En développé, je ne ferai que dire la même chose sans l’enthousiasme et l’urgence du moment.
Ne plus être sur place change tout.
Reste les notes… qui ne sont que des notes, mais qui témoignent de toutes ces petites choses dont je voulais vous parler.
Du sleeping bus pour commencer qui, du Guangxi, m’a emmené à Shenzen, à la frontière avec Hong Kong. Des paysages qui défilent dans la grande baie vitrée alors qu’on est allongé dans le sens de la marche… pas vraiment du camping-car… beaucoup plus spectaculaire.
De cette fameuse frontière à Shenzen, où tout le monde se demande si l’on est arrivé quand le bus coupe le moteur en plein centre ville et que l’on comprend que la frontière… c’est le centre commercial ! Après les formalités de douanes… à nouveau le train. Traversée des nouveaux territoires présentés dans mon guide (cet affreux guide du Routard) comme totalement dépourvus d’intérêt, en gros que des cités dortoirs, à la notable exception près des parcs naturels… et des plages…
La gare d’arrivée est souterraine. Sans être encore sortie dans la rue, je perçois que tout est très différent, très neuf, très occidentalisé : les rames, les vêtements des gens, les gens eux-mêmes...
Puis la quête de Chunking Mansion, la mythique adresse Hongkongaise pour voyageurs fauchés, celle-là même dont Wong Kar Wai, qui y vécu un temps en période de vaches maigres, s’est inspiré pour Chunking Express.
Chunking, une façade digne d’un film d’horreur ! L'hallu ! Sur l’avenue principale de Kowloon où Dior, Fendi, Burbuerrys et autres boutiques chics se succèdent, un immeuble de 16 étages où indiens, blacks et migrants de toutes provenances louent des chambres au mois. Au rez-de-chaussée, on fait la queue aux pieds des multiples cages d'ascenseurs où l’on est avisé, non pas qu‘ « in case of fire » mais que « when there is a fire » il faut prendre les escaliers ! On s’en serait douté ! Bref, pas très rassurant…
Les parties communes de l’hostel sont aussi glauques que la façade mais la bonne surprise c’est la chambre : grande, lumineuse, propre, climatisée… Tout en m’installant, je passe mes premières heures à faire connaissance avec un espagnol des îles Canaries, prof d'arts martiaux qui a vécu 2 ans à Shanghai et qui n'aime pas Hong Kong mais qui est bloqué là pour une raison mystérieuse. Tous les locataires du Travellers hostel m’apparaissent plus farfelus les uns que les autres : le canado-britanico-nouveau zélandais au charisme indéniable et à l’histoire rocambolesque, le fort jovial petit vieux wharholien au cheveux blancs, la femme étrange qui travaille la nuit et dont j’apprendrai plus tard qu’elle sort d’une dépression, le gérant qui inspecte les poubelles des chambres tous les soirs à 23h47…
Le dortoir donne sur Nathan Road, mon lit est sous de grandes fenêtres qui s’étirent sur tout un pan de mur. La vue sur la ville est extra. Juste dans l’axe, un très beau building avec un gigantesque panneau solaire en façade et juste en dessous un chantier titanesque… de futur centre commercial aux échafaudages de bambou et bâches vertes caractéristiques de l’Asie.
Je sors sous une pluie battante et un ciel noir extrêmement menaçant. Ma tendance naturelle à l'exagération me fait prendre ces cieux peu cléments pour un typhon… bien sûr il n’en n’est rien, c’est juste un gros orage… le typhon est déjà passé… il y a quelques jours !
Je cours me réfugier à l'office du tourisme, une vraie mine d'informations pratiques et de propositions d’activités gratuites en tout genre : accès aux musées des beaux arts et au musée d’histoire où de grandioses reconstitutions à échelle 1 permettent d’apprécier l’histoire de la ville, leçons de taï chi et de feng shui, cérémonies du thé, croisières en jonque, promenade archi, initiation à l'opéra cantonais… Quand j'en sors il fait nuit, la baie est illuminée... immédiatement, j'adore ! J’adore absolument tout : l'air marin, la courbe du rivage, la skyline de Central (la city de Hong Kong), la cime du Victoria Peak perdue dans la brume, les vas et viens des ferries centenaires qui sillonnent la baie, la priorité donnée aux piétons... C'est sûr, ce n'est plus la Chine, c'est autre chose, une ville très occidentalisée… et un sacré changement d'échelle pour les prix au passage !
Après la pluie... il fait bon. Ce répit climatique sera de courte durée, le mercure descend rarement en dessous des 35 degré pour un taux d'humidité dépassant allègrement les 80% ! Dans le frais, je me ballade sur les rivages de Kowloon, je n’en reviens pas de voir autant de blancs, d’entendre parler anglais, les gens sont d’une élégance presque excessive, la ville scintille…
Le lendemain, je m’incruste sur une promenade urbaine menée par Franky, un jeune architecte chinois très drôle qui nous ballade dans un Central bruyant et étouffant pendant 3 heures. On grimpe au 43ème étage d'une banque pour y admirer la vue, on arpente les labyrinthes de passages surélevés semi privés-semi publics qui servent à juguler les flux piétonniers en itinéraires improbables via les gratte ciels (des banques pour la plupart), on se fait porter par le tapis roulant à découvert le plus long du monde, on croise les bus à impérial, les vieux tramway, le funiculaire… Je retrouve des bâtiments de Sir Norman Foster, fil conducteur archi du voyage après Berlin, Varsovie et Shanghai…
Central est un mixe entre tours, ville chinoise et quartiers branchouilles. Tout s'y imbrique à flanc de colline, sur un petit bout de terrain très très très pentu ! Les rues sont étroites, il y a plein de ruelles, d'escaliers, ça monte vraiment très vite, le dénivelé est extrêmement impressionnant ! Il l’est encore plus quand on grimpe au Victoria Peak, alors que les tours laissent place à une végétation luxuriante, vraie jungle de lianes et de cascades.
Parfois, les grattes ciel d'habitation ont une toute petite emprise au sol. Très hauts, très fins, ces buildings qui reposent sur une parcelle très étroite, parfois moins de 10 mètres, donnent une impression de fragilité assez angoissante.
Le lendemain, je pars pour ma première expédition balnéaire. A peine montée dans le bus, je rencontre deux marines de Hawaï en escale à Hong Kong ! Shek O, première plage de l’archipel que je découvre, est une belle surprise. Elle est située au sud de l'île de Hong Kong, dans un coin assez select, villas et golf sont des signes qui ne trompent pas. Des rochers, beaucoup de végétation, un petit village aux maisons basses, en lisière d'une baie bordée de sable blond, composent un cadre idyllique. Quand j'arrive sur la plage, il y a assez peu de monde pour un dimanche. A peine posée, mes voisines de plage m'offrent de partager leur pic nic ! L’eau est divine… je me sens en vacances !
Le soir, avant de regagner Kowloon, je pars faire un tour du côté des ports de Wan Chai et de Causeway Bay pour voir les jonques et les sampans.
Je traverse Hong Kong avec les souvenirs de Shanghai en têtes. C’est difficile de ne pas comparer les deux villes. Pourtant l’exercice n’a que très peu de sens. A Shanghai, ou plus exactement à Pudong, on sent que la ville a été dessinée avant d’être construite, qu’il s’agit d’une ville d'urbanistes, dans le quartier des tours il n'y a que des tours et de grandes artères, pas de strates, forcément… tout est neuf… pas à Hong Kong. Ici le relief et la courbe sont omniprésents. En terme de densité Shanghai est une ville en devenir, Hong Kong, elle, existe déjà.
Hong Kong... encore une ville pas comme les autres ! Apres Berlin, Varsovie, St Petersbourg, Moscou, Pékin, Shanghai... une autre ville à l'histoire forte.
Mon guide m’apprend que "le port aux parfums" est en fait un archipel de 260 îles, de 8 millions d'habitants, pour une densité de 6870 habitants au km2 (contre 107 en France !). Hong Kong, de loin l’une des villes les plus denses au monde aujourd’hui, n’est au XIXème siècle qu’un rocher dont les britanniques obtiennent un bail de 99 ans lors du traité de Nankin suite à la Guerre de l'Opium.
Depuis 1997, c'est une "région administrative spéciale" de la Chine bénéficiant de son propre gouvernement, de sa propre monnaie et de sa propre presse.
Hong Kong me rappelle New York, d’ailleurs une partie de la ville se trouve sur une île, l’autre sur le continent, un peu comme Manhattan. A Hong Kong je retrouve l’énergie que j’avais découvert à New York : envie et curiosité m’entraînent dans de très longues journées… car, en plus d’une ville hyper moderne très très axée sur le business et le commerce, Hong Kong est aussi, et c’est là la grosse grosse surprise, une ville tropicale balnéaire : relief, végétation, sentiers de randos, plages, villages de pêcheurs... Si ce n'est la moiteur permanente, cette combinaison représente pour moi un eden à peine croyable.
Les journées du coup sont toutes bizarres parce que je loge au coeur de la ville, dans un quartier effervescent et, en même temps, tous les jours, je prends un bateau pour aller à la plage sur une île !
Je me sens en vacances… plus vraiment en voyage… la plage ça change les perspectives…
Je n’arrête pas de sillonner l’archipel. Avant de monter à bord des bus et des ferries il faut faire l’appoint et, comme on ne sait jamais combien ça va coûter, mon petit porte monnaie noir déborde d’une collection impressionnante de pièces… il n'a jamais été aussi lourd !
Chaque jour… une découverte : randos sur l’île de Lamma, monastère bouddhiste et statue géante sur l’île de Lantau (le plus grand bouddha assis en extérieur d'Asie du sud-est… 34 mètres de haut au sommet d'une montagne verdoyante perdue dans les nuages), Silverline bay et ses anciennes mines d’argent, villages de pêcheurs sur pilotis, plage de Clear water bay, île de Cheung Chau interdite aux voitures…
Chaque soir… le retour vers Central est impressionnant. Après avoir passé la journée en pleine nature, le ferry me ramène en moins d’une heure vers la féerie électrique de la City. Une fois, à la nuit tombée, les éclairs d’un orage qui approchait vinrent se superposer sur la baie aux lumières de Disneyland Hong Kong… grandiose
De retour à Kowloon, j’enchaîne souvent sur les marchés de nuit : la très touristique Temple street sans aucun intérêt quand on vient de Chine mais où je rencontre, alors que je suis en quête d’un endroit pour faire une retouche sur ma petite veste chinoise achetée dans le Guangxi, un tailleur qui me fait découvrir un immeuble rempli de couturières. Dans les night market, il y a aussi le Ladies’market, déjà plus réjouissant pour ces friperies, le fish market, bien que je ne raffole pas des poissons en aquarium…
Et puis vient le jour de l’excursion à Macao…
Depuis 1999, Macao est, comme Hong Kong, "une région administrative spéciale" de la Chine bénéficiant de son propre gouvernement, de sa propre monnaie et de sa propre presse. Cela dit, son histoire est bien différente puisque Macao est un cadeau fait au XVIème siècle par l'Empereur Chinois aux Portugais pour les remercier d'avoir débarrasser la mer de Chine de ses pirates ! Elle n'est devenue officiellement colonie portugaise qu'au XIXème et est toujours restée dans un vide juridique très étrange sans qu'aucun traité, ni aucun statut international ne la reconnaisse… Le Routard m’apprend que Macao n’a jamais eu les ambitions de sa voisine britannique. Le Portugal n’y voit qu'une base pour commercer avec l'Asie et non une plaque tournante majeure de la région. Dans les années soixante, elle acquiert sa réputation sulfureuse de tripot de l'Asie avec l'introduction du commerce du jeu, interdit à Hong Kong et en Chine.
Cette histoire marque la ville d’un curieux mélange d’églises baroques et de casinos.
En descendant du bateau, j’erre dans un parc d’attraction hideux, caprice d’un millionnaire qui voulait voir se côtoyer le Colisée, la Cité interdite et un volcan en éruption ! Après cette orgie kitsch, je me réfugie dans le bâtiment flambant neuf du musée des beaux-arts où je découvre une exposition de gravures panoramiques de la Chine du XIXème siècle. Le long de la promenade de bord de mer, où les polders en chantier se succèdent, je croise la statue monumentale d’une déesse de la miséricorde censée protéger la population des typhons. Puis une micro expo d’urbanisme me ramène à un peu plus de rationalité !
Je déambule deux heures en périphérie, inspirée par l’expo Rambling des photographes en résidence du musée d’art. Enfin… j’attaque le centre historique classé patrimoine mondial à l’Unesco.
La cathédrale dont ne subsiste que la façade est certes impressionnante, le fort offre une vue panoramique, les ruelles sont plaisamment restaurées… certes… mais la ville ne m’enthousiasme pas. J’ai l’impression qu’il y fait encore plus chaud qu’à Hong Kong. Non… la ville ne me plait pas. Je m’occupe en testant des glaces locales : patate douce, tofu, cream cheese, fruits locaux, dont le durian, le fruit qui pue ! Et bien sûr aussi les pasteis de nata ! Macau me semble toute petite, guère plus grande qu’un quartier de ville chinoise et surtout vide, déserte. Le site ne me séduit pas, l’urbanisme non plus, rien…
Je n’ai qu’une envie, trouver refuge sur une plage déserte, celle où j’avais projeté de passer ma dernière semaine. A 45mn de bus, je plonge dans une eau calme et le soir je m’offre des sardines grillées dans un charmant village avant de regagner le terminal des ferries pour un retour nocturne sur Hong Kong avec l’appréhension de me retrouver bloquée à Central pour la nuit… au final j’attraperai le dernier métro pour Kowloon de justesse.
Le lendemain de mon retour à Hong Kong, je passe au quartier des antiquaires, au marché aux puces et puis aussi dans le plus vieux temple chinois de la colonie (il date de 1848), pour un petit rituel superstitieux : imprégner d’encens le bouddha acheté pour Kamel et tenter de trouver celui, originaire d’Inde, que m’a demandé Leila… j’ai peur de gaffer en demandant à des bouddhiste un encens hindou… mais finalement, ils ne connaissent pas.
Le tout dernier soir, à la nuit tombée, je monte dire au revoir à la ville du haut du Victoria Peak. De retour à l’hostel, alors que j’avais déjà retrouvé Pascale, ma copine de Yangshuo, je rencontre deux irlandais avec qui je papote jusque tard dans la nuit… je dors tout juste 3 heures avant le départ pour l’aéroport.
Arrivée dans la toute neuve aérogare de Foster, je tombe sur mes potes slovaques… endormis.
Dans l’avion d’Emirates, je me fais une orgie de films sur mon petit écran perso, des Indestructibles, à Mission impossible, du dernier Spike Lee aux images de la caméra sous et devant l’avion… une première pour moi !
L’avion survole le Pakistan, Karachi… je n’ai jamais rien vu de semblable. Bien que je ne sois qu’à moitié rassurée par le plan de vol qui poursuit sa route vers l’Iran, je suis subjuguée par les paysages arides de sols plissés, de reliefs surprenant dessinant des arabesques spectaculaires. L’avion me semble voler très bas tant l’on distingue les nuances des sols, le ciel est limpide, ni un nuage, ni un début de nuit, le soleil nous suit… on va vers l’Ouest…
Mon tiers de tour du monde s’achève et avec lui la lecture de mon tout dernier livre, La moustache d'Emmanuel Carrère, dont l’adaptation cinématographique, avec ses incessantes scènes d’allers et venues en ferries entre Kowloon et Central, a contribué à rendre tangible ce rêve asiatique… extraits :
« A l’extrémité de Nathan road, une grande place ouvrait sur la baie, de l’autre côté de laquelle s’étendait un miroitant chaos de gratte-ciel étagés au flanc d’une montagne dont le sommet se perdait dans la brume nocturne. Se rappelant des photos vues dans des magazines, il pensa que cette cité spectaculaire était Hong Kong »
« Il ne pouvait sous-estimer la vitalité déréglée de son esprit, ignorer que ce qu’il pensait à cet instant, il ne le penserait plus dans deux jours, ou deux heures. […] Le ferry lui plaisait, lui avait plu d’emblée parce qu’il offrait un cadre à ses hésitations pendulaires, parce qu’il suffisait d’avoir assez de pièces pour suivre le mouvement, hésiter, se rebeller, mais sans agir pour autant. Car une fois choisie la seule action raisonnable, savoir s’enfuir au bout du monde, tout le problème était de s’en tenir là, de ne plus bouger, de ne plus agir, de ne pas accomplir autrement qu’en pensée le mouvement inverse. Hors du ferry qui le prenait en charge, le monde n’opposait pas à ses velléités suffisamment de résistance. Il aurait fallu pouvoir couper les ponts, se placer dans une situation matérielle ou physique telle que le retour lui soit à jamais interdit. Or, quand bien même il jetterait ses cartes de crédit, son passeport, il lui suffirait de franchir le seuil du consulat pour être bientôt rapatrié. Faute de pouvoir murer ces portes de sortie, rien ne l’assurait que sa détermination ne flancherait pas, qu’une vague mentale plus forte n’emporterait pas sa conviction présente pour lui en substituer une autre, et même le faire sourire de ce qu’il considérerait alors comme une lubie. Aucune puissance au monde ne pouvait le prémunir contre cette versatilité, pas même le rythme tranquillisant des traversées en ferry. »




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